Si des n résultats équipossibles d’une expérience aléatoire m d’entre eux amènent l’événement A alors la probabilité de A est m/n.
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On lance un dé normal jusqu’à 4 fois. Si on obtient au moins un six on gagne un certain montant, si aucun six n’apparaît en 4 lancers on perd ce même montant. Est-ce que ce jeu est équitable ?
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On peut utiliser la définition de Pascal pour évaluer la probabilité d’au moins un six. Tout d’abord, nous évaluons la probabilité d’aucun six en 4 lancers.
54 = 625 où aucun six ne survient.
De Méré parut satisfait de cette solution car elle était compatible avec ses données expérimentales. Les calculs de probabilité ci-dessus sont normalement considérés comme apportant une solution mathématique au problème posé. Mais est-ce que les choses sont aussi simples ?
Posons-nous la question suivante : qu’est-ce que Pascal a vraiment prouvé par son calcul? Il s’agissait du fait arithmétique suivant : parmi les 1296 résultats possibles de quatre lancers d’un dé, il y en a 671 pour lesquels au moins un six est présent et dans les 625 autres il n’y a pas de six. Maintenant, pour quiconque pense que les 1296 résultats possibles ont la même chance de survenir, il devrait être évident que la solution rationnelle consiste à parier sur le fait qu’un six surviendra, au moins une fois, en quatre lancers. Mais l’hypothèse que tous les cas sont également probables ne peut être démontrée à l’intérieur du calcul des probabilités de Pascal ni par aucun autre moyen purement théorique. Par contre, cette hypothèse pourrait être testée statistiquement sur la base de données provenant, disons, de la répétition, un million de fois, de l’expérience consistant à lancer un dé quatre fois !
Nous examinons, ci-dessous, plus en détails, le concept d’équiprobabilité car il s’agit du concept clé de cette section. Pour Pascal et ses successeurs, l’équiprobabilité des résultats n’était même pas une hypothèse car cela correspondait à une vérité qui allait de soi dans notre univers. Pascal ne pouvait en effet voir aucune raison pour laquelle on pouvait imaginer qu’un résultat tel <5,5,5,5> avait moins de chances de survenir qu’un autre tel <6,3,4,5>.
Pour Pascal, l’équiprobabilité était une conséquence de l’indépendance entre les lancers du dé. Cette indépendance signifiait que le résultat de tout lancer n’est aucunement influencé par le résultat d’un lancer précédent. Par exemple, si les deux premiers lancers ont amené le quatre alors le quatre a encore la même chance, une sur six, de survenir au prochain lancer. Ainsi pour quiconque croit à l’indépendance des lancers, tous les résultats possibles ont même chance de survenir.
Cette perspective sur l’équiprobabilité montre cependant qu’il s’agit d’une hypothèse qui porte sur la réalité et non d’un principe purement logique. Pour plusieurs joueurs (Wagenaar, 1982 ; Henslin, 1967), de même que pour une forte proportion d’humains, une telle hypothèse est implicitement fausse car ils utilisent des heuristiques qui reposent sur la croyance que les résultats passés ont une influence sur les résultats futurs.
L’exemple du problème du chevalier de Méré fournit un indice d’un point très important qui sera développé plus loin : le raisonnement mathématique ne permet pas d’aller au-delà de certaines limites : lorsqu’elles sont atteintes, on doit se baser sur des hypothèses pour obtenir des résultats qui seront interprétables dans le monde des processus aléatoires.
Dans son ouvrage, Calcul des probabilités, Poincaré (1912) avait déjà signalé cette difficulté de la théorie des probabilités :
Comment pouvons-nous déterminer, a priori, que tous les cas sont équiprobables ? La détermination par la mathématique est impossible. Dans chaque situation, on doit poser des hypothèses et spécifier que les différents cas seront considérés comme équiprobables. Ces hypothèses ne sont pas complètement arbitraires mais nous ne devons jamais oublier que ce sont uniquement des hypothèses.
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Au jeu de LOTO 6/49, six boules sont choisies au hasard à partir d’un boulier qui en contient 49. Avant le tirage, les parieurs auront sélectionné une ou plusieurs combinaisons de 6 numéros. Pour gagner un prix, le nombre de coïncidences entre nos choix et les numéros tirés doit être de 3 ou plus ; on gagne le gros lot si on a sélectionné les 6 bons numéros.
Posons-nous la question suivante :
Au LOTO 6/49, quelle est la probabilité de gagner le gros lot si on choisit la seule combinaison suivante : {1,2,3,4,5,6} ? (rappelons qu’il s’agit d’un tirage sans remise)
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Ce qui est intéressant, en relation avec cet exemple, c’est la règle normative qui affirme que deux combinaisons quelconques ont les mêmes chances de survenir. Comment savons-nous que cette règle est vraie ? En premier lieu il est impossible de démontrer un tel résultat en se situant à l’intérieur de la théorie des probabilités. Même si on accepte que chaque boule a la même chance que toute autre de survenir, il ne s’ensuit pas que deux combinaisons de 6 chiffres ont la même chance. De plus, en raison du nombre faramineux de combinaisons possibles, il serait impossible de définir une expérience dont les résultats fourniraient un appui à cette hypothèse. Ceci fournit un très bel exemple d’une règle normative qui ne peut être justifiée ni par la mathématique ni par des expériences concrètes.
Voici une autre illustration du fait que les conceptions erronées sont liées à la modélisation et non à la mathématique des probabilités. Supposons qu’une personne croit qu’après cinq rouges consécutifs à la roulette le noir a plus de chance que le rouge de survenir au prochain tour. Une telle croyance n’est pas en opposition avec la mathématique des probabilités. Lorsque nous construisons un modèle pour la roulette en associant au rouge une probabilité de ½ (supposant qu’il n’y a pas de 0), il s’agit en fait d’une hypothèse et non d’un résultat. Mais cette hypothèse n’est pas suffisante pour, par exemple, calculer la probabilité d’obtenir, disons, trois fois le rouge et trois fois le noir lors des 6 prochains tours de la roulette. Avant de faire quelques calculs, on doit postuler une mesure de probabilité sur l’ensemble des 64 séquences possibles et le choix naturel est la mesure uniforme. Ce postulat implique, par exemple, que les séquences RRRRRR et RRRRRN ont la même probabilité. Pour celui ou celle qui pense que le noir a plus de chances que le rouge après 5 rouges de suite ce modèle sera perçu comme inapproprié. En bout de piste, la validité de tels modèles de base ne pourrait être établie que par des expériences systématiques.
En examinant des exemples simples, nous avons voulu illustrer la difficulté de justifier les règles normatives. Dans la section suivante nous considérons une règle normative plus fondamentale qui est souvent utilisée pour évaluer les conceptions humaines en matière de probabilité 7 .